Témoignage de ma mère sur sa vie

Parcours d'une vie

 

 

Jacqueline Brisson, née le 13 mars 1920 à Paris dans le 15ème arrondissement, rue des Nouettes. Mes parents s'y étaient installés en 1918. A partir de ma naissance, ils y sont restés un an, puis se sont installés deux ans à Pantin, puis au Lilas, au 118 Rue de Paris, jusqu'en 1929. Et à l'âge de 9 ans, je passe d'un " deux pièces-cuisine " aux Lilas, à l'appartement de fonction à La Monnaie de Paris. Il y avait cinq grandes pièces.

Je vais à l'Ecole des Filles qui se trouve rue Saint Benoit. C'est là, dès la première année que je rencontre Marthe Foucrier qui deviendra Bérillet. Ses parents sont marchands de vin et ils habitent rue Mazarinne. Je rencontrerais une autre amie bien plus tard, à 15 ans : Paulette Gilou. Je reste dans cette école jusqu'au brevet.

Vers dix, onze ans, je débute le piano, et cela durant 5ans, avec Melle Tucoulat qui habitait Le Raincy. Elle aurait voulu que je rentre à la Scola Cantorum pour devenir professeur. Je suivais les cours à la salle Gaveau où Mlle Tucoulat louait une salle. Tous les mercredi, après l'école, Maman me préparait un lait de poule, c'est-à-dire un œuf battu dans du lait, avant de m'accompagner Salle Gaveau. Mes parents m'ont acheté un piano demi-queue à la Salle Drouot. Je n'ai pas continué les études de piano pour aller à la Scola, car elles étaient trop coûteuses pour mes parents, c'est ce qu'ils ont décidé, j'ai donc pris une autre direction.

Renée Bertaut, couturière, était une amie et la patronne de Maman. Renée avait une cliente qui était Madame Bouquet (la mère de l'acteur Michel Bouquet). Celle-ci était modiste rue de Miromesnil, et elle m'a pris comme apprentie.

Ma communion s'est faite en 1932, avec un repas à la Monnaie.

A la déclaration de la guerre, je fus embauchée à La Monnaie à la salle des ventes où j'ai travaillé six mois. Raymond et Suzanne, les parents de Marcel, habitaient dans le même quartier que ma mère à Dax, près de la baraquotte (il s'agissait d'une épicerie. voir son histoire), . Ils se connaissaient depuis longtemps. Ils sont également " montés " à Paris, et ont continué à se fréquenter. Si bien que lors de ma naissance, Raymond à dit à ma mère que je serais sa belle-fille. Marcel, son fils, fut élevé à Donzac, dans un petit village des Landes, à 25 km de Dax, chez la sœur de Suzanne, sa mère, jusqu'à l'âge de 14 ans. Ensuite il a été interne dans un lycée près de la capitale. Ses parents étant gens de maison, ils ne pouvaient l'élever.

Je me rappelle notre première rencontre. Il était pensionnaire, et je devais avoir 14 ans. J'étais mauvaise en orthographe et je suivais des cours chez une amie de Renée. C'est là qu'on me l'a présenté. Mon père était très strict, et me surveillait beaucoup. Je fut une " chasse gardée ".

Pourquoi je suis devenue modiste ? Je crois que c'est parce que ma mère aurait voulu l'être. Mais dans les années 1880, ce métier était considéré comme très mal fréquenté. Et son père s'y était opposé. Les modistes s'occupaient plutôt des dames de la " haute ", et le père était plutôt de tendance à gauche. Moi j'aimais les chiffres, et j'aurais voulu faire comptable. Mais à l'époque il s'agissait de travailler dans les bureaux, c'est-à-dire dans le " monde des hommes ", et bien sûr mon père ne voulait pas. Il fallait un métier de femmes à exercer entre femmes. Renée Bertault avait comme cliente Madame Bouquet (mère de l'acteur Michel Bouquet) modiste, habitant le Raincy et ayant son atelier sur Miroménil. Elle a accepté de me prendre comme apprenti. Il y avait une appréteuse, la patronne et moi. Je ne me souvients pas combien de temps j'ai passé avec ces deux personnes.Je fus ensuite embauchée dans les ateliers du Printemps en 1941, puis chez Patou, une maison de mode, couture et chapeaux, rue Saint Florentin.

Je me suis mariée en avril 1942, et nous sommes partis à Pau en zone libre. Marcel s'était engagé à 18 ans sur les conseils de son Père. Il était dans le Génie au service des Transmissions. A la déclaration de guerre, ils sont envoyés dans la ville de Soisson pendant six mois. Durant ce temps, il suit des cours pour devenir sous-lieutenant, il apprend le 9 mai 1940 qu'il a réussit, et dans la nuit du 9 au 10 mai, les allemands sont rentrés en Belgique. Départ précipité. Ils quittent Soisson pour la Belgique, et là s'en suit Dunkerque, l'Angleterre, le retour en France à Claire-Fontaine, Périgueux, la ligne de démarcation s'installe, et ils se trouve à Chatauroux. Durant tous les déplacements depuis le 10 mai 1940, tous les papiers officiels ont été détruits si bien qu'il n'a jamais été nommé sous-lieutenant. A la base de Chateauroux en zone libre, un jour il a vu une affiche de recrutement pour être moniteur d'éducation physique. Le stage de formation se passait à Antibes. Il a réussit sa formation et il est nommé à Pau. On a décidé de se marier. Ensuite il a été envoyé à Foie durant un mois. Puis il est nommé au Lycée Janson de Sailly à Paris. C'est à ce moment que le STO s'installe (service du travail obligatoire en Allemagne, institué par les Allemands). Beaucoup de gens sont " recrutés volontairement ". Et le proviseur a sauvé Marcel en l'empêchant de rejoindre sa classe un jour, alors que les gendarmes venaient le chercher. On s'est enfuit immédiatement pour Donzac, et comme il était recherché, il a rejoint le maquis des FFI à la Teste dans le bassin d'Arcachon avec Julot, son cousin avec qui il a été élevé.

En 1945, toujours militaire, il est envoyé en Amérique pour suivre une formation sur les transmissions. La formation devait durer trois mois, elle dure onze mois. Revenu en France il est nommé pour garder une piscine ! Il quitte l'Armée, mais il n'a pas de métier entre les mains, comme on disait. Un ami à Maman était linotypiste (un belge marié à une … dacquoise, qui habitait rue de Nesle près de la Monnaie), et durant un an, il lui apprend le métier. Il travaille dans le labeur-presse. Puis il se fait embaucher en 1947, le 7 avril, au moment de la naissance de Bernard (le 9 juin), au Journal Officiel. Le patron lui demande s'il vient travailler pour deux mois ? Et il lui répond que non, s'il fait l'affaire il restera. Il y travaille deux mois le matin, puis quelques mois dans l'équipe de nuit, et finalement dans l'équipe de l'après-midi où il restera. Il est devenu rapidement morassier. C'est celui qui est spécialisé sur l'exécution des corrections. Il avait un doigté très sûr. Il a été élu au Conseil d'administration, et il a démarré la Mutuelle de la Presse au JO.

De mon côté, j'ai arrêté mon travail assez vite. Je travaillais encore un peu à façon chez moi. " Chez moi ", c'est-à-dire chez mes parents, dans l'appartement de fonction de la Monnaie où nous sommes restés jusqu'en 1954-55. Nous avons eu un appartement au 6 de l'Avenue Claude Vellefaux où habitait Renée Bertaut, qui nous a signalé l'opportunité. Nous avons donc fait le chemin inverse de mes parents, et nous sommes passés de La Monnaie à un deux pièces-cuisine. Tous les mercredi soir nous allions dormir à la Monnaie, et passer la journée du jeudi. Et le jeudi soir, rentrés à la maison, nous mangions une omelette aux pommes de terre. Et puis j'ai voulu retravailler, Bernard était plus grand et il pouvait être gardé par Renée Bertaut qui habitait au rez-de-chaussée de l'immeuble, et nous au premier. J'ai été embauchée dans une entreprise qui était juste à côté : la maison Pigeon, célèbre par les lampes qu'elle fabriquait. J'y fus embauchée comme employée aux écritures. Il y avait une mécanographe qui passait toutes ces écritures sur une machine. Cette personne est décédée, et le patron m'a demandé de la remplacer. Et je suis devenue " aide-comptable ". Mais la Maison Pigeon a fait faillite. Je suppose que son principal objet de vente était la " lampe pigeon ". Avec le progrès, elle a été dépassée, ainsi que le fameux réchaud pour le camping. Comme Marcel était très connu, je fut embauchée par la Mutuelle de la Presse comme aide comptable, l'après-midi. J'ai finalement décidé de quitter le travail au moment de l'arrivée de l'informatique.

J'ai été très heureuse auprès de mes parents qui m'aimaient. Je crois que je leur ai bien rendu, ainsi qu'auprès de mon cher Marcel qui m'adorait. Il était attentionné, et nous nous aimions beaucoup. Ce grand bonheur n'a duré que 53 ans, et depuis son départ, j'ai un grand vide autour de moi. Je suis quand même très gâtée, car j'ai un gentils fils, que nous avons conçu volontairement, cinq ans après notre mariage. Il vient me voir très souvent au moment des vacances. Il nous a donné, avec Agnès, deux garçons, des hommes maintenant, Armand et Nicolas, qui malgré l'éloignement sont très proches de moi.

Et pour finir, j'ai deux adorables arrières petites-filles du nom d'Ariane (elle est née le 12 juillet 2000), et Ninon, née le 22 mai 2003. Ce qui termine la lignée pour le moment.

Nicolas parès quelques tentatives de plusieurs examem a réussi à rentrer dans le monde du travail à la RATP commee chauffeeur d'autobus, pour commencer. Il vit avec Johanna, une très gentille fille, se sont pacsés et sont parents depuis le 4 septembre 2007 d'un petit Gabin, très souriant et plein de vie. actuellement (août 2008) il galoppe à quatre pattes sur ses genoux, et il ne pas pas tarder à marcher.